J’ai entendu ce matin sur les ondes de La Première des bribes du débat entre Françoise Bertiaux (MR) et Fadila Laanan (PS) qui était consacré à la présence de la publicité sur la RTBF. Les propos qu’y a tenu la ministre sont tout simplement inacceptables.

Soyons clairs, le MR qui a toujours défendu bec et ongle la présence croissante de la publicité sur les chaînes publiques, fait sur ce dossier une pirouette des plus intéressées et politiciennes. C’est à tel point un copié-collé de ce qui est fait par Sarkozy que cela en est risible. Petite boutade. Le MR lorgne à tel point vers l’UMP que l’on peut se dire que c’est vraiment parce que De Wever voulait le régionaliser que l’on n’a pas encore de Ministère de l’identité nationale en Belgique.

L’argumentaire en faveur du maintien de la publicité développé par la Ministre PS en charge de l’audiovisuel n’en est pas moins suffocant. L’argument massue avancé par la ministre Laanan est que le fait d’ôter la publicité serait un truc de bobos (sic) qui ne se préoccupent pas des 50 euros que devraient acquitter les plus pauvres afin de compenser les rentrées publicitaires. Voilà un condensé assez rare de populisme [1] de bas-étage et de contre-vérités.

Peut-on rappeler à madame la Ministre que le coût de la publicité est intégralement reporté sur le prix des articles que nous achetons. Plus on autorise de publicité, plus la part consacrée à la publicité dans le coût des objets que nous achetons est élevée. A titre d’exemple, on estime que plus de 1000 euros du coût des voitures neuves est, en moyenne, directement imputable à la publicité. Le budget de la publicité dans notre pays croit de plus de 30% par an. Il s’élève aujourd’hui à environ 3 milliards d’euros soit 1% du PIB. En moyenne chaque belge « donne » 300 euros par an pour la publicité à travers la hausse des prix qu’elle entraîne. De cette somme, six fois supérieure à une possible redevance, madame Laanan ne semble pas se soucier. Pourquoi ? Parce qu’elle est diffuse, moins perçue par la population et que la perception importe plus à la Ministre que la réalité des plus précaires. Elle préfère donner de l’eau au moulin aux publicitaires qui voudraient laisser croire que c’est grâce à eux que certains événements ont lieu. Qu’il s’agisse simplement d’un report de la ponction, que la surconsommation qui en résulte ait des conséquences sociétales, sociales (endettement) et écologiques (surconsommation et modèle productiviste), de tout cela la Ministre ne pipe mot.

Peut-on rappeler également à la Ministre que la publicité commerciale n’est pas un secteur économique anodin. Qu’il s’agit d’un outil de formatage et de manipulation qui, indépendamment de l’esthétique où de l’originalité qu’il peut comporter, a pour but ultime de nous amener à consommer davantage. Si le service public se décharge de ses missions d’éducation populaire et « vend » la population aux annonceurs, est-il encore complètement un service public ? Lorsque ses rentrées (publicitaires) sont fonction de l’audimat, fait-il du service public ou de l’audience sa priorité ?

Le patron de la RTBF, dont on aimerait soit dit en passant connaître la fonction au sein de la RMB, l’organisme qui gère la pub à la RTBF, afin de connaître mieux son niveau d’intéressement, parle lui de pertes d’emplois. Madame Laanan relaye cet argument. La ministre ne semble même pas en mesure d’imaginer que l’on puisse compenser les rentrées publicitaires. La Communauté ne prélève pas d’impôt et il serait suicidaire de demander un refinancement. Comme il est devenu de coutume, c’est forcément d’un autre niveau de pouvoir que vient le problème. On ne nous consulte pas sur la Constitution Européenne (rebaptisée Traité de Lisbonne) parce que les Flamands, on ferme des bureaux de poste parce que l’Europe, on délocalise parce que les Chinois,… La belle affaire. Histoire de mettre les choses à plat, rappelons que les rentrées publicitaires à la RTBF s’élèvent à environ 60 millions d’euros par an. Pour ôter toute publicité (en radio) et parrainage, la VRT a besoin de 70 millions d’euros. Cela fait donc 130 millions d’euros dont ont besoin nos deux grands médias publics pour revenir exclusivement à leur mission de service public. A titre de comparaison, les diminutions de charges patronales s’élèvent elles à 7 milliard d’euros par an (plus de 50 fois plus) et les bénéfices du BEL20 sont supérieurs à 20 milliards d’euros par an (150 fois plus). La revendication semble peut-être usée à certains socialistes rosis mais elle n’en est pas moins d’une criante actualité : de l’argent, il y en a encore faut-il aller le chercher !

Mais plutôt que de chercher des solutions (on peut aussi ponctionner dans les rentrées publicitaires de médias privés, utiliser une part des 6% de croissance annuel du budget de la Communauté française, un peu moins dépenser pour les achats des prohibitifs droits en matière de sport,…) madame la Ministre Fadila Laanan préfère reprendre la formule chère à Didier Reynders et dire qu’elle n’est pas pour « la rage taxatoire.

L’impôt ce n’est pas de la rage madame la Ministre, c’est de la redistribution et la redistribution c’est l’essence même du socialisme dont vous vous réclamez. Lorsqu’elle oublie cela comme vous le faite, la gauche n’est plus la gauche. Et quand la gauche n’est plus la gauche, quand elle brouille à ce point les pistes, elle est l’allié objectif de la droite.

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