Le réchauffement c’est inn ! Il n’est pas une publication un peu « verte » qui n’aborde cette question, pas un journal qui n’ait pondu un numéro spécial, une radio qui n’ait son émission sur le sujet.
Et pourtant, que ce soit au sein de mes relations amicales et familiales ou lorsque j’interviens dans des assemblées -que l’on peut qualifier de sensibilisées- je constate que les pratiques individuelles évoluent peu. Combien ont laissé la voiture et se sont remis au vélo et aux transports en commun ? Combien refusent les voyages low-cost et les last-minute pour le soleil ? Combien délaissent les supermarchés et choisissent d’acheter local ? Combien refusent les gadgets électroniques venus des cheap-factory asiatiques et conçus pour ne pas résister? Combien ont drastiquement diminué leur consommation d’eau et d’électricité ? Très peu.
Pourquoi ? Nous serions une planète peuplée d’humains biologiquement égoïstes et insensibles au devenir des générations futures ? Comme Yves Paccalet, devrions-nous proclamer « l’Humanité disparaîtra, bon débarras »? Non, mille fois non ! Je réfute autant que je refuse cette thèse nihiliste. Je la réfute car l’Homme a de tous temps montré qu’il pouvait créer et porter des projets de progrès (abolition de l’esclavage et de la peine de mort, droit à une sécurité sociale,…) et d’émancipation collective (Commune de Paris, Révolution d’Octobre, Révolution bolivarienne,…) quelle qu’en fut l’issue et parfois l’échec. Je la refuse également – par principe – car je veux quelle que soit l’issue, refuser la fatalité. Accepter l’idée de l’inéluctable, c’est renoncer à choisir une autre voie.
Une information culpabilisante et de mauvaise qualité
Les messages qui nous parviennent sont contradictoires et le premier vecteur de confusion est constitué par des médias qui alternent appels à la consommation et sensibilisation factuelle
« On nous cache tout, on nous dit rien, plus on sait tout plus on ne sait rien », chantait Jacques Dutronc. En fait, on nous dit tout et son contraire et surtout sans joindre les actes à la parole. Les médias déversent aujourd’hui sur le citoyen lambda leur soupe moralisatrice et convenue. Changer ses habitudes, opter pour une « voiture verte », fermer les lumières, couvrir les casseroles,… Diantre quels vilains citoyens nous formons, parfaitement informés que nous sommes ! Mais le catéchisme du citoyen planétaire responsable nous parvient de plateaux où la chaleur émanant des spots fait couler le maquillage des invités venus par avion des quatre coins du monde, il est couché sur le papier glacé entre deux publicités pour voiture.
Toujours davantage financés par la publicité – le plus gros annonceur étant le secteur automobile – les médias sont bien mal placés pour nous amener à réfléchir. Ils préfèrent le plus souvent nous culpabiliser. Vu leurs propres contradictions, le message ne peut pas passer. Empêtrée dans ses contradictions et sa logique productiviste – la place disproportionnée laissée aux informations boursières en est une jolie illustration – le message des médias est inaudible.
Des autorités discréditées
Les autorités appellent elles aussi à l’initiative individuelle – au mieux portée par des incitants économiques – mais l’évolution structurelle de la société souque à contresens. On ferme des petites gares mais construit des autoroutes, on sous-investit dans les transports en communs publics, on autorise une présence croissante de la publicité et la radicalisation de ses techniques de conditionnement. Bref, les Etats renoncent à combattre la logique économique et nous vendent à un système écologiquement et socialement mortifère mais il le font tout en nous invitant à nous montrer socialement et écologiquement responsables. On fait difficilement plus malhonnête.
Des conditions matérielles qui bloquent toute évolution
C’est l’aliénation de l’Homme, et d’abord son aliénation à une logique économique et des pratiques de consommation imposés par la « classe de loisir » ainsi que la qualifie Thorstein Veblen qui conditionne ses actes. Changeons le cadre et l’Homme s’ouvrira à des dimensions bien plus réjouissantes qu’il porte en lui.
C’est pourquoi il est essentiel d’axer le combat écologique – comme le combat social – sur la réorganisation de la société, une transformation de sa logique. Le fait de changer les pratiques individuelles ne doit pas être écarté mais on doit cesser -ainsi que c’est actuellement le cas – d’en faire un étendard derrière lequel on dissimule opportunément l’impact de la société et plus spécifiquement de notre modèle économique, le capitalisme.
Tout est fait dans la société actuelle pour inciter à la consommation – et même à la surconsommation -, à l’absence de solidarité et au refus de prendre du recul. D’aucun qualifie le système actuel de simplement amoral, je pense au contraire qu’il porte intrinsèquement en lui une série de contre-valeurs (absence de solidarité, productivisme,…) qui rendent aujourd’hui impossible toute mutation profonde de nos modes de vie. Le capitalisme est immoral.
Changer de logique pour changer la société
Pour inverser la tendance, il convient dès lors de repenser l’algèbre de notre société et d’inverser une série d’équations. Economie aux services des peuples et non peuples asservis par l’économie. Production établie en fonction des besoins et non besoins formatés pour écouler la (sur)production. Dans cette mathématique du monde, un terme revient sans cesse que nous ne pouvons ne pas inverser : le capitalisme. C’est pourquoi il convient de prolonger la réflexion anticonsumériste et écologique d’une réflexion marxienne anticapitaliste.
Le XXIIème siècle sera anticapitaliste où il sera plus moche encore que les précédents.