Cette motion a été votée à l’unanimité (sauf le MR) au CC de Liège le 28 mars 2023
Vu l’annonce par Delhaize le mardi 7 mars 2023 de son intention de convertir l’ensemble des 128 supermarchés en gestion propre en Belgique en magasins franchisés gérés par des entrepreneurs indépendants ;
Considérant le choc que cette annonce a provoqué auprès des 9000 travailleuses et travailleurs, qui avaient pourtant été considérés comme essentiels durant la pandémie de la Covid-19 et qui avaient parfois mis en danger leur santé pour continuer à offrir un accès aux denrées alimentaires pendant cette période ;
Considérant que Delhaize a déjà annoncé sa volonté de supprimer 280 emplois au sein de son siège ;
Considérant que cette décision s’inscrit dans une logique de maximisation de son profit, et ce malgré des bénéfices déjà importants et au détriment des travailleuses et des travailleurs ; qu’en effet, le groupe international Ahold Delhaize a réalisé 2,5 milliards d’euros de profit en 2022 ; que cette décision vise à économiser 1 milliard d’euros sur le dos des travailleurs et qu’en même temps, la direction de l’entreprise envisage de redistribuer 1 milliard de dividendes supplémentaires à ses actionnaires ;
Considérant l’impact que cette décision pourrait avoir sur les clientes et clients de Delhaize, en termes de prix des produits, alors que le prix du caddy a déjà augmenté de près de 20% en un an ;
Considérant l’impact que cette décision pourrait avoir sur l’accessibilité des supermarchés pour les citoyennes et citoyens de notre commune ;
Considérant que le droit à une alimentation de qualité à prix juste pour toutes et tous est aujourd’hui mise à mal par la financiarisation, la recherche de profit, et l’éloignement des centres de décision dans le secteur de la grande distribution ;
Considérant que cette décision s’inscrit dans un mouvement de basculement du centre de décision de Delhaize de la Belgique vers les Pays-Bas, la Belgique devenant une simple plateforme logistique pour le groupe ;
Considérant que cela remettra également en cause la présence des syndicats dans les magasins et donc la protection collective des travailleuses et travailleurs ;
Considérant le risque que cela représente pour l’emploi et les conditions de travail dans les supermarchés puisque dans le secteur de la grande distribution, diverses commissions paritaires aux régimes de travail très divers sont compétentes et que le régime qui s’applique généralement aux employés d’entreprises franchisées est particulièrement peu avantageux pour eux tant au niveau de la rémunération que des horaires de travail ;
Considérant que l’impact sur les travailleurs se traduirait par 1,5 heures de travail en plus par semaine pour 30 % de salaire en moins, 50 % de personnel en moins et par la généralisation des jobs étudiants et des emplois flexibles au lieu de contrats à durée indéterminée ;
Considérant le risque de contagion de cette transformation du monde du travail dans tout le secteur de la grande distribution, qui concerne plus de 100.000 emplois en Belgique, voire dans tout le tertiaire, vers toujours plus de flexibilité pour les travailleuses et travailleurs des enseignes qui sont soumis à des contraintes de plus en plus fortes, vers une fragmentation des organisations de travailleuses et travailleurs, et vers une harmonisation vers le bas des conditions de travail ;
Considérant qu’une réduction des rémunérations dans la grande distribution aurait pour effet de diminuer les versements de cotisations sociales et d’augmenter l’intervention financière des pouvoirs publics pour soutenir le travail via le bonus à l’emploi, la réduction structurelle et Impulsion ;
Considérant la mise sous scellé le samedi 18 mars 2023 d’un magasin franchisé AD Delhaize de grande taille à Bruxelles par l’auditorat du travail en raison de non-respect du droit social constaté lors d’un contrôle, et que c’est précisément l’illustration de la fragilité du système des franchisés ;
Considérant que les organisations syndicales demandent à la direction de revenir en arrière sur leur plan ;
Considérant le nombre de magasins Delhaize sur le territoire de la Ville ;
Considérant le nombre important de familles sur la commune, dont des membres travaillent chez Delhaize, qui sont impactées par cette annonce ;
Le Conseil communal manifeste son soutien et sa solidarité envers l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de Delhaize.
Le Conseil communal exhorte la direction de Delhaize à :
- revenir sur sa décision et à s’engager dans une vraie procédure de négociation avec les syndicats en recherchant d’autres solutions que la mise sous franchise ;
- Offrir en tout état de cause, des garanties de maintien de l’emploi de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs concernés et de maintien de leurs droits acquis (légaux et conventionnels) dans la durée.
Le Conseil communal demande au Gouvernement fédéral :
- De veiller au respect du droit social par les 636 magasins franchisés du groupe Delhaize et, plus généralement dans toutes les enseignes de grande distribution, franchisées ou non ;
- De prendre des initiatives pour tenter d’unifier le paysage des commissions paritaires dans le secteur afin d’éviter le shopping entre les commissions vers le moins-disant social ;
- De soutenir toute initiative législative visant à empêcher le contournement du droit social de la part des grandes entreprises et groupes internationaux.
Le Conseil communal demande au Gouvernement de Wallonie :
- D’analyser, dans le cadre de ses compétences économiques, la manière de lutter efficacement contre la mise sous franchise à marche forcée du secteur de la grande distribution, au détriment de l’emploi et des conditions de travail ;
- D’analyser les actions possibles afin de préserver l’activité économique et donc les emplois de ce secteur dans la région.