La social-démocratie (parfois adossée à la démocratie chrétienne) est largement dominante. Elle semble au pouvoir de toute éternité. Elle a gagné des droits essentiels. Elle a fait l’Europe.
Elle se contamine à la logique libérale. Elle laisse fermer les hôpitaux et les gares, privatiser (ou se dénaturer dans des secteurs qu’elle libéralise) les grandes entreprises publiques (transport, poste, télécoms, énergies, banques,…). Les moyens publics sont comprimés, l’impôt se fait moins redistributeur. Elle laisse les médias aux mains d’acteurs industriels privés. Je dis « elle laisse » mais très souvent, elle encourage avec cynisme.
En conséquence, les inégalités sociales croissent comme jamais auparavant. Abandonnée, reléguée, toute une partie, populaire, de son électorat lui tourne le dos, puis tourne le dos à l’idée même de démocratie. L’abstention explose. Des médias privés détenus par des propriétaires de droite accélèrent la dynamique avec cynisme et appât du gain.
Comme si souvent dans ces circonstances, la droite n’hésite pas à se radicaliser, à faire alliance sous une forme ou une autre avec l’extrême-droite. On cherche la responsabilité partout (élus irrémédiablement pourris, étrangers, écologie punitive) sauf où elle est réellement, à savoir au cœur de ce modèle économique qui détruit le bien commun.
C’est le schéma abouti en Autriche, en Suède, en Italie ces derniers temps. Mais c’est aussi ce qui attend peut-être la France. Et c’est ce qui nous attend (singulièrement en Flandre) si rien ne change.
La solution n’est pas très compliquée. On construit des hôpitaux, on paye des profs, on reprend le contrôle public sur l’accès aux biens essentiels, on finance des médias publics forts, ouverts à la parole citoyenne, on donne aux villes et communes les moyens d’agir, on revivifie avec de réels processus participatifs notre démocratie. Et pour tout cela, on va chercher les moyens d’agir là où ils sont via un impôt juste et redistributeur.
Est-ce que la gauche, toute la gauche quand elle en garde plus que le nom, va enfin avoir l’intelligence d’avancer ensemble sur ce projet, là où elle est en capacité de le faire ? Peut-on espérer une gauche qui rompe avec la capitalisme avant que celui-ci ne l’écrase et avec elle l’idée même de démocratie ? Et tant qu’à faire, peut-elle aussi enfin avoir l’intelligence de comprendre que le productivisme, la destruction à marche forcée de la planète sont intimement liés à cette dynamique mortifère ?