Le premier Ministre, Elio di Rupo, a répondu ce jeudi 18 avril (source) à des questions parlementaires liées à la révélation de constructions financières de Belfius (anciennement Dexia Banque Belgique issue du découpage du groupe Dexia) passant par des paradis fiscaux (La Barbade, une île des Caraïbes, et l’Irlande). Il a notamment à cette occasion déclaré comprendre et partager l’émotion suscitée par ces révélations. Il a également affirmé que lorsque l’État avait acheté Belfius Banque et Belfius Assurances, celui-ci avait hérité de ces constructions.
Le souci est que contrairement à ces déclarations, le monde politique belge (et français) est de longue date directement impliqué dans les choix opérés par le groupe Dexia, et ce notamment en tant que principal actionnaire, essentiellement via la Caisse des dépôts et consignations (le bras armé financier de l’Etat français), la SFPI (celui de l’Etat belge) et le Holding Communal (qui rassemble les participations des communes et provinces belges ; aujourd’hui en liquidation). La part de la France dans le capital fin 2008 était de 26,31%, contre 44,77% au total pour les entités belges (Etat fédéral, Régions, communes et provinces, ainsi qu’Ethias).
L’Etat belge est donc un actionnaire majeur de cette banque, et en son nom de nombreux représentants politiques ont siégé à la direction de Dexia depuis de nombreuses années. En premier, on pense évidemment au duo dirigeant formé lors du premier « sauvetage » par Pierre Mariani (CEO, ex-directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère du budget) et Jean-Luc Dehaene (président, ex-Premier ministre et pilier du CD&V). Mais une foule de responsables politiques se sont succédés au Conseil d’administration de la banque. Citons notamment Serge Kubla (MR) ou Francis Vermeiren (Open VLD). Il est amusant de constater que c’est évidemment bien moins le cas aujourd’hui à la direction de Belfius. On trouve plutôt au CA un profil de techniciens étiquetés politiquement (citons notamment Guy Quaden et Carine Doutrelepont du côté du PS) avec une surreprésentation assez imposante de personnes issues de la KULeuven qu’il serait intéressant d’analyser (Voir ici).
Le plus « étonnant » au regard des déclarations d’Elio di Rupo, est le fait qu’il a lui-même été membre du conseil d’administration de Dexia (en remplacement du plus regrettable que regretté Didier Donfut) et ce entre 2004 et 2005. C’était alors un de ses 24 mandats. C’est précisément à cette époque que Dexia a accru considérablement la taille de son bilan, sans rapport avec l’activité de ses clients. C’est-à-dire que c’est en partie à cette époque que les pratiques spéculatives et les montages douteux qui ont provoqué la chute de Dexia ce sont développés. SI on l’analyse froidement, ceci ne laisse que deux possibilités : soit Elio di Rupo a alors touché la coquette somme de 32.000 euros sans effectuer le travail qu’il aurait dû faire afin de dénoncer et de combattre cette dérive (singulièrement s’il est un homme de gauche), soit il en était pleinement conscient . Notons encore que celui qui a succédé alors à Elio di Rupo, feu Bernard Lux (ex recteur-président de l’université de Mons, et membre du conseil d’administration de la Sogepa), était également un de ses proches. Bref Elio di Rupo était fort probablement très directement informé de ce qui se faisait chez Dexia.
On est donc pour le moins lassé par cette pénible habitude qui consiste pour nombre de représentants politiques et singulièrement pour le premier Ministre, à se dédouaner de ses responsabilités. On avait déjà entendu le même genre d’inepties sur d’autres dossiers (ne citons que celui de la Poste) . Sinon à souffrir d’un sérieux problème d’amnésie, est-ce bien sérieux ?