Certains partis et militants de la gauche radicale préfèrent aujourd’hui utiliser le terme « antilibéral » au terme « anticapitaliste ». Cela me semble une position ambigüe (un capitalisme débarrassé des oripeaux de l’ultralibéralisme serait-il acceptable ?) autant qu’une terminologie contestable.
Certes on ne résume pas un projet politique à une opposition et c’est pourquoi j’assume pleinement le terme d’éco-socialiste (un peu phagocyté il est vrai par certains militants trotskystes) puisqu’il recouvre le projet politique auquel j’aspire, à savoir l’établissement à terme d’une société communiste c’est-à-dire ayant mené à son terme un projet émancipateur et égalitaire, et ayant par ailleurs pris la mesure des enjeux écologiques avec notamment une opposition frontale au productivisme.
Il me semble cependant que l’anticapitalisme constitue la base idéologique la meilleure sur laquelle s’appuyer afin de rebâtir des fronts politiques larges à la gauche de la gauche de pouvoir (Je qualifie de gauche de pouvoir, les formations politiques qui tout en proclamant à foison « sans nous ce serait pire », ne conçoivent leur action politique qu’en exerçant le pouvoir dans le cadre du canevas actuel et en étant prêtes pour ce faire à toutes les compromissions sur les valeurs historiques qui fondent la gauche (diminution du temps de travail, protection des exclus, défense du travail par rapport au capital,…).)
Capitalisme kezako ?
La première chose à faire lorsque l’on se proclame « anticapitaliste » est fort logiquement de définir le capitalisme. Il s’agit d’un système économique basé sur la recherche du profit et l’accumulation de capital. Son corollaire mit en évidence par Marx, c’est le salariat et le fait que les travailleurs ne sont pas propriétaires de leurs outils de production. La société productiviste, inégalitaire et uniquement centrée sur les enjeux économiques dans laquelle nous vivons a intimement intégré cette logique économique.
Des raisons d’être anticapitaliste
Ainsi que je viens de le noter, le capitalisme est intimement lié à la propriété privée des moyens de production qui est synonyme d’incapacité de la collectivité, et le plus souvent des forces politiques d’être acteurs des choix en matière de production. Que produire, dans quel but et dans quelles conditions ? A l’heure où la notion de « régulation » est agitée par toutes et tous, il n’est pas inutile de rappeler que c’est précisément le fait que les Etats ne possèdent plus les leviers économiques et notamment une série de secteurs stratégiques (énergie, communication, réseaux de distribution, industrie lourde,…) qui explique leur impuissance à véritablement réguler l’économie et donc à contrer les crises du capitalisme.
Le capitalisme est basé sur un postulat assez grotesque selon lequel la somme des égoïsmes individuels abouti comme par magie à l’accomplissement du bien commun. Au contraire, on constate que l’individualisme, ou plus exactement l’absence de solidarité, consubstantiel au capitalisme, gangrène les démarches utiles à la collectivité.
Le capitalisme est également fondamentalement incompatible avec une démocratie véritable, à savoir profonde, participative (sinon directe) et surtout étendue à toutes les sphères de la société (judiciaire, économique,…). La démocratie ne connaît d’autre pouvoir que celui qui émane du peuple par les mécanismes électifs. Le capitalisme a contrario confère le pouvoir à celui qui possède.
Au-delà de ce qu’ont été nombre de tentatives du socialisme réel, il n’est pas inutile de rappeler que le projet marxiste est fondamentalement un projet émancipateur. Marx voulait faire du prolétariat le sujet de son histoire et son projet de socialisation de l’économie était une façon d’élargir la démocratie politique à la sphère économique. Le capitalisme a contrario n’est pas un système économique qui apporte plus de liberté. En favorisant celui qui possède au détriment de celui qui mérite, le capitalisme est même antilibéral, au sens philosophique du terme. C’est une des raisons qui rendent l’utilisation du terme « antilibéral » particulièrement ambigüe.
Pour en sortir
Si nous voulons maintenir la vie, et une vie digne, sur cette planète, nous n’avons d’autre issue que d’en revenir à une gestion collective des ressources et des outils de production. Cela passe assurément par l’Etat (par exemple des services publics forts), un Etat plus démocratique, moins pyramidal, libéré d’une emprise particratique stérilisante. Cela passe aussi par de la décentralisation, de la relocalisation et de l’autonomisation. S’il est dangereux de limiter l’alternative politique à une révolution « individuelle » et ce faisant de culpabiliser les citoyens par rapport à la situation actuelle (cela est particulièrement patent sur les enjeux écologiques), il est par contre essentiel de responsabiliser chacun afin de tendre vers une réelle émancipation.
Il faut réfléchir aux modes de productions et à la finalité des productions. Réduire drastiquement la durée du travail, relocaliser les productions et répartir de façon égalitaire les fruits de la production. Il faut substituer au capital le travail, non comme valeur mais comme unité de mesure, substituer la valeur d’usage (l’utilité) à la valeur d’échange (la spéculation).
Toutes ces aspirations sont fondamentalement incompatibles avec le système capitaliste qui modèle la société (mondialisation, recul démocratique, exploitation) afin d’assurer sa survie via une accumulation croissante de capital.